La dimension
interculturelle dans l'enseignement du français langue
étrangère des apprenants chinois
en France
Ran Ji (Université de Lorraine, France)
Abstract
(English)
The present paper
attempts to outline socio-cultural specificities of Chinese learners
that are often the cause of learning difficulties in the French
teaching context. Based on the answers obtained from a survey about
Chinese learners' speaking participation in a course of French as a
Foreign Language (FFL), teaching practices in the Chinese context are
studied and compared to those in France. The concept of
interculturality is at the heart of the discussion. Intercultural
awareness in teaching FFL is more than necessary to ensure Chinese
learners' cultural and educational integration in France.
Key
words: Chinese learners, French as a foreign language (FFL),
intercultural, representation,
socio-cultural specificities of Chinese learners
Résumé
(Français)
Ce présent article
essaie de déceler des spécificités socioculturelles des apprenants
chinois qui sont souvent l'origine de leurs difficultés
d'apprentissage en situation de confrontation à des pratiques
d'enseignement françaises. A partir des réponses obtenues lors
d'une enquête au sujet de la prise de parole des apprenants chinois
dans la classe de français langue étrangère (FLE), les pratiques
d'enseignement dans le contexte chinois sont étudiées et comparées
avec celles qui sont pratiquées en France. La notion de
l'interculturel est au cœur de la discussion. La sensibilisation à
l'interculturel dans l'enseignement du FLE est plus que nécessaire
pour assurer l'intégration culturelle et scolaire des apprenants
chinois en mobilité en France.
Mots-clé:
Apprenants chinois, français langue étrangère (FLE),
l’interculturel, représentation, spécificités socioculturelles
des Chinois
1 La problématique générale de l'interculturel
Aujourd’hui, la
mondialisation suscite de plus en plus de rencontres et d'échanges
avec les interlocuteurs issus de contextes linguistiques et
socioculturels différents. Par conséquent, nous sommes de plus en
plus confrontés à la diversité culturelle. Ce phénomène a permis
une transmission rapide de la notion de l’interculturel dans le
monde. Le concept est apparu au milieu des années 1970 dans le
secteur de l'enseignement aux enfants migrants en Europe. Dans cette
perspective, la question de l’interculturel portait sur
l'articulation entre les deux cultures qui définissent l'élève
migrant. Le mot interculturel a été utilisé pour la
première fois en pédagogie au début des années 1980 par l'UNESCO.
Il indique :
un mode particulier
d'interactions et d'interrelations qui se produisent lorsque des
cultures différentes entrent en contact, ainsi que l'ensemble des
changements et des transformations qui en résultent. (Clanet 1993:
22).
Porcher rappelle que la définition la plus opératoire d'une
pédagogie interculturelle est celle proposée par le Conseil de
l'Europe à Strasbourg. Il résume quatre idées fondamentales
permettant de décrire les situations sociales existantes de
l'approche interculturelle (Porcher 1995: 54):
Aujourd’hui,
toute société est pluriculturelle1.
Plusieurs cultures y coexistent ou s'y interpénètrent, se
juxtaposant ou se transformant mutuellement. Il
n'y a plus de sociétés homogènes.
Toute
culture est, en termes de dignité, égale à toute autre. Une
culture est un ensemble à la fois cohérent et contradictoire, qui a
ses propres valeurs et ses propres systèmes de référence, ses
propres régulations.
Tout
enseignement, dans ces conditions, s'effectue donc dans un contexte
pluriculturel. Plusieurs cultures vivent dans une même classe et
l'enseignant doit être formé à les employer, et, d'abord, à les
repérer.
L'important,
à cet égard, consiste à établir, entre ces cultures, des
connexions, des relations, des articulations, des passages et des
échanges. Il ne s'agit pas seulement de gérer au mieux la
juxtaposition de diverses cultures, mais de les mettre en dynamisme
réciproque, de les valoriser par le contact.
D'après les données
officielles du gouvernement chinois, 1,27 millions d'étudiants
chinois étudient à l'étranger à la fin 2010 (Le Quotidien du
Peuple en ligne 2011). Les parcours des étudiants chinois en France
se résument généralement en trois grandes étapes: apprendre le
français, s'adapter à la vie en France et s’intégrer dans la
formation universitaire. En tant que première étape à franchir,
l'apprentissage du français constitue souvent un défi de taille,
car malgré le fait que l'enseignement du FLE connaît son essor dans
la société chinoise ces dix dernières années, il reste une langue
étrangère minoritaire dans le milieu institutionnel chinois. Par
conséquent, la plupart des étudiants chinois qui sont venus en
France avaient commencé leur apprentissage du FLE vers ou à l'âge
adulte dans le milieu privé en Chine. Pour une grande partie de ces
étudiants, l'apprentissage du français avant leur départ s'est
fait souvent dans la précipitation et hors contexte socioculturel
français. Cette méconnaissance de la culture française repousse
parfois la bonne intégration des étudiants chinois au nouvel
environnement d'apprentissage.
Selon Bourdieu, la
culture est
la capacité de faire
des différences, c'est-à-dire de ne pas confondre, de ne pas
amalgamer, de ne pas mélanger, de distinguer, donc. L'aboutissement,
l'horizon, l'objectif de la culture, c'est justement «la
distinction » (Bourdieu 1979, cité
par Abdallah-Pretceille & Porcher 1996: 33).
Il est donc à noter
que l'enseignement / l’apprentissage des langues et cultures
« autres » s'appuie sur le processus de la distinction.
« Apprendre c'est acquérir de nouvelles capacités de
distinction » (Abdallah-Pretceille & Porcher 1996: 34).
Ici, nous énumérerons trois différents obstacles qui interviennent
souvent lors de la rencontre culturelle avec l'autre : les
implicites, les stéréotypes et l’ethnocentrisme.
1.1 Les
implicites
Les implicites font
partie intégrante du fonctionnement d'une langue. En France, de
nombreux linguistes, tel que Kerbrat-Orecchioni et Ducrot, ont étudié
ce phénomène. Ce dernier explique dans Dire et ne pas dire,
on a fréquemment
besoin, à la fois de dire certaines choses et de pouvoir faire comme
si on ne les avait pas dites, de les dire, mais de façon qu'on
puisse en refuser la responsabilité (Ducrot 1991: 5).
Pour Porcher, il
s'agit de connivences entre les natifs, « d'allusions
partagées, de modes de participation spontanée » à une
communauté (Porcher 1995: 63). Une conversation entre natifs repose
toujours sur « une complicité sur le non-dit » (Porcher
1995: 63). Pourtant, les implicites sont difficilement repérables
pour un étranger parce que celui-ci ne partage pas de manière
inculquée les implicites hérités par les natifs. Cette
méconnaissance pourra même constituer un obstacle à
l'apprentissage et perturber l'apprenant qui croit que les implicites
sont tous les mêmes dans toutes les langues. Porcher précise que
« maîtriser
les énoncés implicites est l'aspect le plus difficile de
l'apprentissage d'une langue étrangère, parce qu'il n'en existe pas
de recensement exhaustif et que, par définition, ils restent
toujours relativement invisibles. (Porcher
1995: 63).
Cependant, c'est
cette maîtrise des implicites qui permet aux apprenants de partager
les comportements langagiers et culturels des natifs et d'acquérir
la véritable capacité à communiquer.
Dans le cadre des
travaux que nous avons réalisés au sujet de la prise de parole des
apprenants chinois dans la salle de classe de FLE, nous avons
remarqué qu'une interviewée s’est plainte du manque d'explicites
dans les énoncés de leurs enseignants français en classe. Si ces
derniers se sont persuadés de la clarté de leurs consignes, ce
n'est peut-être pas toujours le cas pour les apprenants issus de la
culture éducative chinoise qui trouvent que les intentions de leurs
professeurs natifs sont parfois difficiles à décrypter. Une simple
demande de la part d'un enseignant natif comme « prendre des
notes » ou « organisez votre classeur » peut
perturber les nouveaux arrivants chinois qui sont habitués à être
bien encadrés et guidés de très près par leurs enseignants
chinois tout au long de leurs études.
L'interviewée de
l’enquête présente, considérée comme une des meilleurs élèves
de sa promotion par ses professeurs français témoigne que:
Je m'y perds pendant
le cours de X (…) j'ai peur d'entendre qu'il nous demande de
réviser pour l'examen parce que personne sait ce qu'il faut réviser
en quoi se baser la révision.2
Ou encore:
Celui (le cours) d'un
professeur français est souvent un peu embrouillé on ne comprend
pas son intention et n'arrive pas à capter les points essentiels (…)
les professeurs d'ici nous apprennent des choses sans prendre la
peine de nous expliquer pourquoi ce que l'on peut retenir n'est pas
son souci.
Le fait qu'un
enseignant français ne donne pas de précisions sur la révision et
l'examen peut être parfaitement normal pour les élèves issus du
système éducatif français, mais cela peut être choquant pour des
élèves chinois. En Chine, les enseignants peuvent se montrer très
présents jusqu’à la révision des examens qui est censé
être à la charge des élèves: révision collective avec
l’enseignant, sélection des notions importantes par l’enseignant.
Il est clair que cette interviewée n'a pas compris le retrait de son
professeur qu'elle considère comme une décharge de responsabilité
envers la réussite de son apprentissage.
1.2 Les
stéréotypes
Les stéréotypes
reflètent un réseau grossier de représentations mentales du monde.
Chaque société a une représentation d'elle-même et une
représentation de l'étranger.
Charaudeau définit
les représentations ainsi:
Les représentations,
en tant qu'elles construisent une organisation du réel à travers
des images mentales qui sont elles-mêmes portées par du discours ou
d'autres manifestations comportementales des individus vivant en
société, sont incluses dans le réel, voir sont données par le
réel lui-même. Elles s'appuient sur l'observation empirique de la
pratique des échanges sociaux et fabriquent un discours de
justification de ceux-ci qui met en place un système de valeurs,
lequel est érigé en norme de référence. Ainsi est produite une
certaine catégorisation sociale du réel qui témoigne à la fois du
rapport de « désirabilité » que le groupe social
entretient avec son expérience de la quotidienneté, et du type de
commentaire d'intelligibilité du réel qu'il produit, sorte de
métadiscours révélateur de son positionnement. En bref, les
représentations témoignent d'un désir social, produisent des
normes et révèlent des systèmes de valeurs. (Charaudeau
2005: 35)
Le stéréotype est
une façon de représenter la réalité, mais il n'est qu'une
représentation partielle :
Tout stéréotype est
à la fois simplificateur et réducteur. Il arase la complexité d'un
phénomène, tend à en faire une caricature, qui exclut les détails
(peut-être significatifs) au profit d'une silhouette générale.
(Porcher 1995: 64).
Il s'inscrit dans le
temps, offre une grande résistance au changement, et se transmet de
génération en génération. Chaque personne crée des stéréotypes,
et les stéréotypes existent au plus profond de nous. Nous ne
pouvons pas agir sans nous y référer car ils font partie de notre
capital social et culturel. Il est donc inutile de chercher à les
supprimer.
Dans une enquête de
terrain que nous avons réalisée au sujet des représentations des
Chinois à l'égard de la France en 2012, 60 enquêtés diversifiés
en sexe, origine géographique et statut socioprofessionnel, et
n’ayant eu aucun contact direct avec la France, ont participé au
questionnaire intitulé Que pensez-vous de la France? Les
résultats montrent que la majorité des enquêtés décrivent la
France comme une carte postale. Les réponses qui reviennent le plus
souvent à la question Qu'est-ce que vous évoque le plus la
France sont la Tour Eiffel, le romantisme, le
vin rouge, le parfum, la lavande de la Provence, la
capitale de la culture et de l'art (Paris), la liberté.
On voit donc que malgré les problèmes historiques et politiques qui
existaient entre la France et la Chine dans le passé et qui ont été
mentionnés par certains enquêtés, tels que la destruction du
Palais d'Été par les forces britanniques et françaises en 1860 et
le soutien de la France pour l'indépendance du Tibet, cette image
« parfaite » mais caricaturale de la France continue à
faire rêver beaucoup de Chinois en Chine. Ce sont ces
représentations positives qui motivent en partie le choix de la
France en tant que leur pays destinataire, soit pour les visites
touristiques, soit pour la poursuite des études.
En didactique des
langues étrangères, Porcher propose d'utiliser les stéréotypes
comme point de départ d'un apprentissage dans lequel on les dépasse
en les situant. C'est-à-dire que l'on leur attribue « leur
identité authentique d'un aspect qui veut se faire prendre pour le
tout » (Porcher 1995: 65). Les stéréotypes sont à la fois
nécessaires et insuffisants pour comprendre une culture, mais
l'enseignement de culture ne devrait pas négliger l'importance de
leur fonction.
1.3 L'ethnocentrisme
Abdallah-Pretceille
définit le terme ethnocentrisme comme :
la difficulté voire
l'incapacité, pour un groupe ou un individu, d'effectuer une
décentration par rapport à son groupe culturel de référence.
(Abdallah-Pretceille 1986: 81)
Afin de sortir de
l'ethnocentrisme, il convient de voir le monde pluriel:
La diversité est
constitutive de la nature de l'homme et la reconnaissance de sa
propre diversité est une des conditions pour pouvoir reconnaître la
diversité de l'Autre » (Abdallah-Pretceille et Porcher 1998:
9).
Cependant la simple
reconnaissance des différences culturelles ne constitue pas une
condition suffisante pour dépasser l'ethnocentrisme. L'individu peut
très bien accepter la différence de l'autre et respecter ces
différences, mais faire en sorte que celles-ci ne l'atteignent pas
dans son être, dans ses certitudes, dans son identité. Pour pouvoir
dépasser l'ethnocentrisme, il faut que l'individu prenne la
conscience que les croyances, les modes de pensée et les systèmes
de valeur de l'autre soient aussi le produit d'une culture et qu’ils
soient aussi valables que les siens (Clanet 1993: 214).
Dans la perspective
du « relativisme culturel » (Abdallah-Pretceille &
Porcher 1998: 9)), apprendre une langue est un processus long qui
peut déstabiliser parfois la personne qui apprend parce que ce
processus touche jusqu'à son identité individuelle et sa manière
de voir le monde. Des réactions de régression, de refus, de blocage
durant l'apprentissage sont fréquentes, surtout pour les monolingues
dont les schèmes linguistiques et culturels sont de type universel.
La survalorisation de la langue et la culture sources pourrait être
un vrai obstacle dans l'apprentissage du FLE. De ce fait, il faudra
éveiller la conscience des apprenants, leur apprendre à connaître
et reconnaître l'autrui :
Il serait bon donc de
se méfier de la vision monoculturelle de soi, de son propre monde,
de soi en tant qu'entité figée détachée du reste du monde et des
autres. (Belkaïd 2002: 214)
2 Les spécificités socioculturelles des Chinois
Dans la perspective
de l'interculturel, il est nécessaire pour les enseignants natifs du
FLE d'avoir certaines connaissances sur les systèmes de valeur de
leurs apprenants afin de mieux cerner leurs difficultés rencontrées
durant l'apprentissage en France. Dans cette partie, nous tenterons
donc d'identifier les aspects dans lesquels peuvent survenir des
blocages socioculturels des apprenants chinois. Bien évidemment, il
n'est pas question de mettre une étiquette socioculturelle à tous
les apprenants chinois du FLE qui constituent en eux-mêmes un public
hétérogène, mais d'aider les enseignants natifs qui ne sont pas
familiarisés avec ce public à mieux repérer et gérer les
difficultés de leurs apprenants issus de la culture chinoise.
2.1 La
valeur de la parole
En 2002, Béatrice
Bouvier s'est attardée longuement sur la valeur culturelle de la
parole à l'égard des Chinois et, ainsi, la place de la parole dans
l'enseignement. Dans le confucianisme, afin de devenir un Junzi
(l’homme noble moralement), il faut parler moins et agir plus
(Entretiens, chapitre XIV).
Comme nous l’avons
souligné dans la première partie, la Chine est un pays
pluriculturel. L'instauration d'une langue officielle - le chinois
mandarin en 1956 - n'a pas diminué pour autant la vivacité et le
nombre des dialectes en Chine. Pour se reconnaître, les Chinois ne
s'appuient pas sur l'utilisation d'une langue commune, mais sur
l'appartenance identique à « une communauté de
comportements » (Bouvier 2002: 190). Pour les Chinois, le fait
de ne pas parler la même langue n'est pas le seul critère pour
décrire un étranger.
Dans l'enseignement,
la parole n'a pas la même utilité en Chine qu’en Europe où
l’enseignant et les apprenants communiquent pour que les
connaissances soient transmises. En Chine, vis-à-vis de l’action
et du signe, la parole n'a pas de valeur persuasive. Elle est
généralement considérée comme non efficace, par conséquent, un
apprenant
chinois doit s’exprimer au minimum et écouter l’enseignant au
maximum:
Ecoutez beaucoup,
afin de diminuer vos doutes; soyez attentifs à ce que vous dites,
afin de ne rien dire de superflu; alors, vous commettrez rarement des
fautes. (Confucius et Mencius, 1841, trad. : 82)
L'enseignant chinois
subit l'influence profonde du Confucianisme, et suit les traces de
leur glorieux ancêtre.
2.2 L'harmonisation
sociale et les désaccords
Dans une
conversation ou un échange d'opinions, il arrive souvent des
désaccords entre les participants. Kerbrat-Orecchioni indique que
« tout comme les jeux, les échanges communicatifs sont à la
fois coopératifs et compétitifs » (1992: 147). Dans le
dilemme entre coopération et conflit, le dosage de la coopération
pèse beaucoup plus dans la culture chinoise. La coopération, ou
plutôt l’harmonie - terme préféré des Chinois - est le principe
ou même parfois le but de l'échange. À cet égard, Lihua Zheng
(1995), sociolinguiste chinois, qualifie la recherche de l'harmonie
des relations interpersonnelles comme le cœur de la vie sociale
chinoise.
Jin, un auteur du
savoir-vivre chinois, indique que :
Ne pas en général
dénigrer l'opinion de l'autre, s'il ne s'agit pas d'une question de
vrai et de faux dans une affaire importante, afin d'éviter
d'embarrasser l'interlocuteur. Généralement, si l'on n'a pas besoin
de distinguer le vrai du faux de l'opinion de l'autre, il est encore
moins nécessaire de le dénigrer en face. (Jin 1998: 192-193)
Lorsque le conflit
survient dans une conversation, il faut chercher à l'atténuer ou à
changer de sujet de conversation, au lieu de troubler l'harmonie dans
le groupe. Pour ce faire, la majorité des Chinois préfèrent des
stratégies d'évitement. Cependant, les stratégies utilisant un non
clair et direct sont peu courantes, et la plupart d'entre elles sont
ambiguës, surtout quand on a affaire à quelqu'un hiérarchiquement
supérieur.
Les échanges et le
travail en commun pourraient sembler difficiles entre des apprenants
chinois et des apprenants ayant un comportement totalement opposé
aux coutumes en vigueur dans la culture chinoise. Les Chinois
« cherchent moins à avoir raison qu'à vivre en paix avec les
autres » (Lihua Zheng 1995: 246). L'attitude qui consiste à se
démarquer, à faire preuve d'originalité ou de créativité n'est
ni encouragée, ni valorisée :
According
to Scollon and Scollon (1995), Chinese societies tend to be organized
in terms of Gemeinschaft, or community organization, which is based
on the fact that individuals shared a common history and common
traditions. One implication is that Chinese tend to emphasize more on
group harmony rather than achievement of goals and efficiency which
is more prominent in the western culture (Brick, 1991). This explains
why Chinese are always perceived as inefficient. In contrast, Chinese
tend to perceive westerners as aggressive and ignoring the human
relationship aspects (Scollon & Scollon, 1983). (Manfed Wu
Man Fat, 2004)
2.3 La
notion de face
D'après Goffman
(1998 : 9), la règle la plus fondamentale de l'ordre social est
celle du maintien de la face. Plus précisément, il s'agit
ici d'une double règle. En premier lieu, Goffman fait référence à
l'amour-propre, c'est-à-dire d'éviter de perdre la face dans toute
interaction. En deuxième lieu, il utilise la notion de considération
pour expliquer l'acte de préserver la face des autres. Pour mieux
comprendre la portée de cette règle, l'auteur donne la définition
suivante:
on peut définir le
terme de face comme étant la valeur sociale positive qu'une personne
revendique effectivement à travers la ligne d'action que les autres
supposent qu'elle a adoptée au cours d'un contact
particulier. (Goffman 1998: 9)
La valeur chinoise
de la face est beaucoup plus forte que celle des Occidentaux,
et elle est essentielle dans la société chinoise. Ce phénomène
est peu connu par les Occidentaux. Selon Lihua Zheng (1995), la
face :
correspond à une
forme de contrainte ancrée dans la culture et elle constitue la
charpente de la conduite des Chinois dans leurs relations
interpersonnelles ordinaires. (Lihua Zheng
1995: 15)
Elle détermine
trois aspects constitutifs du concept de face, qui sont la réputation
morale, le prestige social et le sentiment personnel.
Ainsi, dans la salle
de classe, l'acte de demander de l'aide, ou de poser une question
publiquement est considéré comme une marque d'incompétence, voire
de faiblesse, et on risque à la fois de faire perdre la face de
l'enseignant et la sienne. Un étudiant chinois signale donc rarement
à l'enseignant qu'il n'a pas compris. Même si on le lui demande en
cours, il préférera garder le silence. En outre, l'importance
accordée à la face favorise, chez les apprenants
chinois, la peur de faire des erreurs. Moins on écrit ou on parle,
moins il y a de risques de faire des erreurs :
Un apprenant chinois
(mais aussi coréen ou japonais) n'a pas compris un mot ou plusieurs
mots du texte ou du discours. Plutôt que de s'informer, il cherche
dans son dictionnaire (souvent petit) au risque de se laisser
distancier dans le déroulement du cours. L'enseignant, qui s'en
aperçoit, demande à l'apprenant d'écouter son explication plutôt
que de chercher dans le dictionnaire. Ce qui peut signifier pour ce
dernier une perte de face: rendre public le fait qu'il n'a pas
compris. Cet apprenant acquiesce à l'injonction de l'enseignant
« oui » (oui, j'écoute, je ne regarde pas dans le
dictionnaire), ce qui est pour lui répondre à la politesse de
l'enseignant (merci de me proposer une explication personnelle, c'est
très courtois), mais, à la grande surprise de l'enseignant,
continue à feuilleter son dictionnaire sans écouter les
explications (moi aussi, je veux être courtois, je peux très bien
trouver le mot tout seul, ne perdez pas votre temps, et le temps de
la classe, avec moi). Et c'est le drame, l'échec de communication.
(Robert 2002: 141)
2.4 Le
silence
Dans la culture
chinoise, la valeur du silence est supérieure à celle de la parole.
Savoir se taire est un signe de sagesse. Si les enseignants
occidentaux ont souvent tendance à interpréter le silence des
apprenants chinois comme un refus de communication, les enseignants
chinois le respectent. Contrairement à beaucoup d'étudiants
français qui peuvent répondre immédiatement à une question, « le
Chinois s'accorde quelques instants de réflexion, de maturation,
d'organisation de sa pensée et de sa réponse » (Robert 2002:
138). Un silence peut être un signe d'incompréhension. Dans ce cas,
on ne dit rien afin de respecter le code de politesse et / ou de
conserver la face du soi et celle de l'enseignant. L'étudiant
chinois est réputé silencieux et prudent car il est entraîné à
parler seulement lorsqu'il connaît la bonne réponse. Il se taira
plutôt que de réaliser un énoncé incorrect.
3 L'aperçu de l'enseignement du FLE dans le contexte chinois
Dans cette partie,
nous nous attarderons sur l'enseignement des langues étrangères en
général, notamment celui du FLE en Chine, afin de montrer les
parcours d'apprentissage du FLE possibles pour les étudiants chinois
avant leur arrivée en France.
3.1 La
politique linguistique en Chine
Avant de parler de
l'enseignement du FLE en Chine, il nous paraît important de
présenter en quelques lignes la complexité linguistique de la
Chine. Comme mentionné ci-dessus, la société chinoise est une
société pluriculturelle qui est composée de 56 ethnies, par
exemple le Han (soit les Chinois au sens strict pour les
Occidentaux qui constituent 90 % de la population), le Hui,
le Zhuang, le Miao, l'Ouïgour, le Mongol
et le Tibétain. La plupart de ces ethnies disposent de leur
propre langue ou bien de leur propre dialecte. Etant donné que les
langues des ethnies minoritaires relèvent souvent de différentes
familles linguistiques, l'intercompréhension langagière entre les
ethnies est généralement impossible. Quant à la langue du Han,
soit le chinois, elle contient en elle-même une grande diversité de
dialectes comme le putonghua (le mandarin), le cantonais
(dans la province de Guangdong et à Hongkong), le minnanhua
(dans la province de Fujian et à Taïwan) et le shanghaïen
(à Shanghai et dans la région du Delta du fleuve du Yangtsé).
Malgré le fait que ces dialectes partagent les mêmes caractères
chinois, certains linguistes les considèrent comme des langues
indépendantes à cause de la disparité entre eux au niveau du
vocabulaire et de la prononciation. Du point de vue linguistique, la
Chine n'est donc pas aussi homogène que ne le croient les
Occidentaux. En 1950, la loi désigne le mandarin (Putonghua en
chinois) comme la langue nationale du pays afin de faciliter la
communication entre les différentes ethnies et entre les différentes
provinces du pays. L'Etat encourage l'utilisation du mandarin à
l'échelle nationale. Dans la société chinoise actuelle, le
mandarin est devenu la langue la plus utilisée dans les
administrations publiques, dans les médias ainsi que dans
l'enseignement secondaire et supérieure.
3.2 L'enseignement
des langues étrangères et du FLE en Chine
Historiquement,
l'enseignement des langues étrangères en Chine s'est développé de
façon assez tardive dans l'éducation publique par rapport à celui
en France. Avant la fondation de la République Populaire de Chine,
l'enseignement des langues étrangères était réservé uniquement
aux milieux riches et il se réalisait principalement dans des écoles
privées dans les grandes villes comme Pékin et Shanghai. Après la
fondation de la République Populaire de Chine, de plus en plus de
Chinois pouvaient prendre contact avec les langues étrangères grâce
au développement de l'éducation nationale. Or, il est à noter que
l'enseignement des langues étrangères de l'époque était, en
quelque sorte, réduit à l'enseignement du russe pour des raisons
politiques, et se limitait au lycée et à l'université. Suite à
des améliorations diplomatiques avec les pays occidentaux dans les
années 1960-1970, la Chine a commencé à modifier sa politique de
l'enseignement des langues étrangères en abandonnant le russe et à
laisser de plus en plus de place à d'autres langues. À partir de ce
moment-là, le japonais, le français, l'anglais et l'allemand ont
commencé à être enseignés dans les établissements publics. Il
faudrait préciser que, malgré la diversification des langues
étrangères, leurs statuts ne sont pas tout à fait les mêmes.
Jusqu'à présent, l'anglais occupe toujours une place dominante dans
l'enseignement des langues étrangères en Chine. En effet, l'anglais
est la seule langue étrangère inscrite au programme éducatif
national en tant que matière obligatoire enseignée à partir de
l'éducation secondaire jusqu'à l'université. Il fait également
partie des matières obligatoires au concours national d'entrée à
l'université (appelé communément Gao Kao en chinois).
Dans la société
chinoise actuelle, on peut apprendre le français soit en milieu
institutionnel (à l'université ou au lycée), soit en milieu privé.
Dans le cas de l'université, les étudiants peuvent apprendre le
français soit comme spécialité soit comme deuxième langue
étrangère. Outre les universités, il y a de plus en plus de lycées
de langues étrangères qui proposent des parcours scolaires en
français, surtout dans les grandes villes comme Shanghai et Pékin.
Dans le cas de l'enseignement secondaire du français, trois types de
parcours sont possibles: le Gao Kao de français (baccalauréat
chinois comprenant une épreuve de langue LV1 parmi l'anglais, le
japonais, le russe, l'allemand et le français), le français en
formation professionnalisante (français du tourisme notamment) et le
français optionnel. Il faudrait souligner ici que pour l'instant, le
nombre de lycées où le français est enseigné reste bien limité.
En plus des établissements publics et les Alliances Françaises, qui
sont liées au Ministère français des Affaires Étrangères, on
peut trouver un grand nombre d’établissements privés qui
dispensent des cours de français en Chine. Un avantage de ces
centres de langues par rapport aux structures institutionnelles est
la possibilité de personnaliser ses cours (intensifs ou extensifs)
et sa condition d'apprentissage (petites classes, enseignants natifs,
plus de communication orale, des manuels récents, des documents
authentiques collectés par les enseignants natifs). En revanche, il
est peu fréquent qu'un apprenant chinois commence son apprentissage
du FLE directement avec des enseignants natifs en Chine. Il est
également à noter que l'on estime que 80 % des étudiants
chinois en France auraient eu recours aux agences intermédiaires qui
servent de relais entre les étudiants et les établissements
français. Ce sont généralement ces agences qui orientent les
étudiants recrutés vers les centres d'apprentissage du français ou
les universités. Selon Sztanke (2005), les centres de langues où
les étudiants sont envoyés sont souvent de mèche avec ces
structures et ferment les yeux sur le parcours de l'étudiant.
3.3 Quelques
résultats de l'enquête
Au cours de
l'enquête intitulée La prise de parole des apprenants chinois
dans la salle de classe de FLE, nous avons interviewé sept
apprenants du FLE qui sont venus de différentes provinces chinoises
(Henan, Sichuan, Shandong, Zhejiang).
Chaque apprenant maîtrisait parfaitement le mandarin et connaissait
au moins un dialecte local. Un de nos enquêtés est venu en France
grâce à un programme d'échange universitaire. Il a pu bénéficier
d'un apprentissage du français de deux ans inscrit dans son cursus
universitaire en Chine. Malgré deux ans de formation, au lieu
d'intégrer directement la troisième année de licence de sa
spécialité, il s'est senti obligé de prolonger son apprentissage
du français dans le Département de Français Langue Etrangère de
l'Université de Lorraine (soit l'Université ex-Nancy 2) après son
arrivée en France. Les six autres enquêtés ont fait partie d'une
même classe de FLE dans le cadre d'un programme intitulé
Préparation aux Formations scientifiques et technologiques des
Instituts Universitaires de Technologie français (PFST) à l'I.
U. T. Nancy-Brabois. Avant d'arriver en France, ils ont tous suivi
des cours intensifs dans des établissements privés (dans certains
cas, huit heures de cours de français par jours) pendant une durée
assez restreinte (environs trois mois).
Malgré la diffusion
du Cadre Européen Commun de Référence pour les langues par
le Conseil de l'Europe en 2000, qui a remis en valeur les aspects
communicatifs de la langue dans l'enseignement des langues étrangères
un peu partout dans le monde, les témoignages de nos enquêtés
montrent que les états d'esprit des éducateurs chinois en matière
de l'enseignement des langues étrangères n'ont guère changé.
Voilà quelques résultats de travaux sous forme de tableau
comparatif que nous avons établis en nous basant sur les propres
discours des enquêtés vis-à-vis de l'enseignement des langues
étrangères en Chine et en France :
En Chine
|
En France
|
|
1er interviewé
|
---
|
Plus active, plus dyna-mique
|
2e interviewée
|
---
|
Bonne,
meilleure que celle en Chine
|
3e interviewé
|
---
|
Meilleure que celle en Chine
|
4e interviewé
|
Plus indisciplinée
|
Plus méthodique, plus dynamique, mais reste tendue
|
5e interviewé
|
Plus active
|
Moins studieuse qu’en Chine
|
6e interviewée
|
Silencieuse, sous le contrôle de l’enseignant
|
Un peu plus vive
|
7e interviewé
|
---
|
Plus
dynamique, active et conviviale
|
Tableau
1: Ambiance de classe en Chine et en France
En premier lieu,
nous nous intéressons aux avis des enquêtés concernant le thème
de l’ambiance de classe. Parmi les sept apprenants qui ont été
interviewés, six soulignent le dynamisme qu'ils ont ressenti dans la
classe française. Le cinquième interviewé était le seul qui
n'apprécie pas l'ambiance de classe en France, et la caractérise
moins « studieuse » et « active » que celle
en Chine.
En deuxième lieu,
nous nous attardons sur la question de la relation enseignant-élève
qui exerce souvent une grande influence sur la réussite de
l’apprentissage des élèves:
Avec les enseignants chinois
|
Avec
les enseignants français
|
|
1er interviewé
|
Rapprochement interpersonnel
|
Pas mal
|
2e interviewée
|
Très bien, lien extra-scolaire
|
Pas mal, relation professeur-élève
|
3e interviewé
|
---
|
Bon, relation professeur-élève
|
4e interviewé
|
Relation plus proche
|
Relation professeur-élève
|
5e interviewé
|
Relation professeur-élève
|
Relation professeur-élève, pas faciles à
approcher
|
6e interviewée
|
Beaucoup d’échanges dans le cadre scolaire et
privé
|
Relation professeur-élève, manque de contacts, ne
s’intéresse pas assez aux élèves
|
7e interviewé
|
Rapprochement interpersonnel
|
Difficile d’entretenir une relation extra-scolaire
|
Tableau
2: Relation enseignant-élève
Les interviewés ont
affirmé qu'il est plus facile de cultiver un lien extra-scolaire
avec leurs professeurs chinois qu'avec leurs professeurs français,
le rapport avec ces derniers s'arrête généralement à la porte de
la salle de classe.
Le statut de
l’enseignant en Chine symbolise l’autorité et la sagesse, il
faut donc que les enseignants évitent avec fermeté de changer de
rôle ou de quitter le rôle d’enseignant pour celui d’ami. Les
enseignants veillent, jusqu’en dehors du cours, à ne pas oublier
leur rôle d’enseignant. Il est assez fréquent de voir que les
relations enseignant-élève se poursuivent à l’extérieur de la
classe. Un élève peut téléphoner à son enseignant le soir à
propos d’une question sur le cours, ou vice versa, un enseignant
téléphone, à son tour, à son élève pour comprendre ses
problèmes personnels. En Chine, les élèves doivent témoigner aux
enseignants, considérés sans équivoque comme représentants des
valeurs morales de la société, le respect qu’accentue le proverbe
Maître d’un jour, père pour toujours.
En troisième lieu,
en se basant sur les deux tableaux suivants, nous nous interrogeons
sur le rôle des enseignants dans la salle de classe et leurs actes
d’enseignement afin de mieux montrer la différence qu’il peut y
avoir en matière de la culture d’enseignement entre la Chine et la
France:
En Chine
|
En France
|
|
1er interviewé
|
Preneur de décision
|
Auxiliaire de l’apprentissage
|
2e interviewée
|
Autoritaire, sévère et organisateur des tours de
parole
|
Moins sévère
|
3e interviewé
|
Pas de différences constatées
|
|
4e interviewé
|
S’occuper du côté linguistique de la langue
|
S’occuper du côté pragmatique de la langue
|
5e interviewé
|
Transmetteur des connaissances, faire répéter et
apprendre par cœur
|
Animateur de la classe, faire exprimer
|
6e interviewée
|
Cours méthodiques, bien organisé, consignes
précises, faire mémoriser
|
Mal organisé, consignes confuses, faire parler et
réfléchir
|
7e interviewé
|
Expliquer mieux, plus précis et clair, transmetteur
des savoirs
|
Bon animateur
|
Tableau 3: Rôle des enseignants
En Chine
|
En France
|
|
Supports de l’enseignement
|
Textes fabriqués
|
Jeux, représentations des scènes, expressions
spontanées
|
Objets de l’enseignement
|
Grammaire, vocabulaire
|
Communicatifs
|
Buts de l’enseignement
|
Réussir les examens, venir en France
|
Buts communicatifs
|
Moyens de l’enseignement
|
Mémorisation, apprendre par cœur, répétition,
expliquer en détail, lecture des textes, “remplissage de
cerveau”
|
Ne pas entrer dans les détails, pas de plan de
cours préétabli, susciter les paroles des élèves
|
Centre d’intérêt de
l’enseignement
|
Compréhension / expression écrite, suivre les
enseignants
|
Parler et s’exprimer, réfléchir
|
Tableau
4: Autour de la classe
Il n'est pas difficile de constater la divergence de l'enseignement
du FLE qui existe entre les deux pays grâce aux deux derniers
tableaux. Les enseignants chinois sont très souvent considérés
comme « sévères » et « autoritaires », et
prennent toutes les décisions dans les actions d’enseignement /
apprentissage. À l'opposé, les enseignants français sont plus
réputés pour améliorer l'ambiance de classe. Le fait d'accorder
beaucoup d'importance aux aspects purement linguistiques de la langue
cible dans les classes en Chine n'a pas laissé de place aux
apprenants pour s'exprimer, imaginer ou réfléchir en prenant leurs
propres initiatives. Etant considéré uniformément comme le seul
but de l'enseignement / apprentissage, réussir l'examen provoque la
perte d'intérêt des apprenants sur la valeur communicative de la
langue étrangère. En revanche, un tel contraste fait parfois naître
des incompréhensions sur la façon d'enseigner les enseignants
natifs et déclenche des malaises des apprenants chinois dans leur
intégration en France. La mission de l'enseignant n'est donc pas
seulement d'enseigner la langue et de mettre en juxtaposition la
culture de l'un et celle de l'autre, mais également de montrer
comment la culture maternelle des apprenants entre en interaction
avec la culture des Français. Bien entendu, la formation à
l'interculturel a autant d'importance pour les enseignants de FLE que
pour les apprenants de cette langue. La maîtrise de certains aspects
qui ne sont pas toujours en harmonie avec la langue maternelle
devrait être prise en compte par les apprenants. Par rapport au fait
que la langue et la culture ne sont jamais dissociables, la langue
cible exige, comme l’indique Galisson, un « niveau seuil de
comportement » qui permettra à un apprenant d’une langue
étrangère de mieux comprendre les locuteurs natifs de cette langue.
4 Conclusion
En conclusion, on
peut constater que le système éducatif chinois est marqué par le
respect de la tradition et centré sur l'acte de l'enseignement, et
le poids de la culture éducative crée parfois des incompréhensions,
voire des blocages, chez les apprenants chinois durant leur formation
en France. La sensibilisation à l'interculturel permettra d'atténuer
la brutalité de la confrontation au nouvel environnement et aidera
les apprenants chinois à mieux s'intégrer dans la vie scolaire et
sociale française. Cependant, ce travail de sensibilisation peut se
révéler plus difficile à mettre en place en Chine qu'en France.
Car contrairement au système éducatif français, le système
éducatif chinois porte toute son attention sur l'acquisition des
compétences purement linguistiques des apprenants en matière de
langues étrangères. Par conséquent, l'enseignement des compétences
interculturelles et les aspects communicatifs des langues sont mis de
côté pour que les apprenants se consacrent presqu’exclusivement
aux les matières dites obligatoires au concours Gao kao.
Dans un tel contexte éducatif, la sensibilisation à l'interculturel
devrait commencer d'abord chez les enseignants chinois de FLE. Ceci
suppose qu’ils acceptent de former leurs apprenants aux
connaissances et aux pratiques de la culture française et de les
transmettre aux étudiants à travers diverses façons d'enseigner
telles que des activités basées sur des documents authentiques et
des mises en correspondance entre les apprenants et les natifs.
Il est à rappeler
que les spécificités socioculturelles des apprenants chinois
mentionnées dans cet article ne présentent toutefois qu'un petit
aperçu d'une vaste population et doivent être considérées comme
évolutives et non généralisables à l'ensemble des apprenants
chinois. Une nouvelle question qui se pose ici après que nous avons
constaté le rôle primordial de la formation de l'interculturel dans
l'enseignement du FLE et qui pourra faire l'objet d'une prochaine
étude est celle de savoir comment l'enseignant peut promouvoir la
dimension interculturelle tout en assurant l'enseignement
linguistique proprement dit au sein du public chinois.
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________________
1 Toute
société est liée à une culture d’ensemble qui la caractérise
et qui est elle-même le résultat de très nombreuses cultures
plus petites, plus sectorisées
2 Comme
il s’agit ici de l’original des énoncés faits par les
interviewés, leurs fautes linguistiques n’ont pas été
corrigées.